Face au dérèglement climatique, accompagner les agricultrices et agriculteurs dans leurs actions d’atténuation et d’adaptation

Conseil Départemental du 27 juin 2022

Motion présentée par Eve Demange pour les groupes groupes Écologie et Solidarités,
Socialistes et apparentés et Communiste

Votée à la majorité

Texte de la motion

Le 18 mai dernier, le ministère de la Transition écologique publiait la carte des risques de sécheresse d’ici la fin de l’été 2022. Ce sont 76 départements qui sont concernés par ce risque et 24 y sont très exposés, et notamment la Dordogne, la Charente et la Charente-Maritime.

L’été a commencé en France avec des nappes quasiment à sec. Les épisodes caniculaires se répètent de façon de plus en plus précoce.

Le 26 avril, des scientifiques nous alertaient sur le franchissement d’une nouvelle limite : celle de l’ « eau verte », c’est-à-dire qui se situe dans nos sols et permet de faire pousser nos plantes et nos cultures. Ce taux d’humidité est principalement fonction de la matière organique, de l’usage que l’on fait de nos sols, ainsi que de la biodiversité et du bon fonctionnement du cycle de l’azote et du phosphore. Nos sols ne sont donc aujourd’hui plus suffisamment structurés pour permettre à l’eau de rejoindre les nappes phréatiques.

Les agricultrices et les agriculteurs seront impactés en premier lieu par cette sécheresse. En Gironde, un arrêté préfectoral de restriction des prélèvements agricoles a d’ores et déjà été pris pour tenter de préserver la ressource, mais engendrant de ce fait une contrainte supplémentaire pour les agricultrices et les agriculteurs.

Le monde agricole est victime de ces sécheresses qui se répètent mais aussi d’autres aléas tels que la grêle, le gel, les tempêtes, les incendies et les inondations. Notre souveraineté alimentaire dépend de sa capacité à s’adapter et à se protéger face à ces stress climatiques de plus en plus fréquents. 

Nous ne pouvons laisser les agriculteurs et les agricultrices seul·e·s face à des risques grandissants pour leur activité ainsi qu’aux immenses défis que représentent la décarbonation du système agro-alimentaire, l’adaptation au changement climatique, la lutte contre l’effondrement de la biodiversité et la préservation de la ressource en eau douce en qualité et en quantité.

Nous devons les accompagner face aux phénomènes climatiques extrêmes, en :

  • Les aidant à s’équiper pour protéger leur production et leur matériel des intempéries, au plus près de leurs réalités de terrain, 
  • En les aidant à innover pour adopter des pratiques agro-écologiques, plus résilientes face aux aléas climatiques, et trouver des solutions pérennes et écologiques face aux défis de la transition écologique pour l’agriculture,
  • En sécurisant autant que possible un revenu décent à celles et ceux qui s’engagent vers les modèles vertueux pour l’avenir. 

Nos agricultrices et agriculteurs peuvent parfois se retrouver prisonnier·ère·s d’un système qui ne leur permet pas d’innover, trop occupés qu’elles et ils sont à lutter pour avoir un revenu décent, à la hauteur du travail fourni. Or, nous savons que ce manque de rentabilité va s’aggraver car il est fonction des risques et des contraintes climatiques de plus en plus élevés. 

Les modèles agroalimentaires résilients aux chocs et stress futurs doivent être massivement encouragés et accompagnés pour donner leur juste valeur aux terres et aux personnes qui les travaillent. Les choix de cultures, notamment, doivent s’inscrire dans une stratégie de résilience face aux contraintes existantes et à venir des territoires et notamment face aux épisodes de sécheresse qui se répètent.

Si le Département de la Gironde a choisi de soutenir de manière volontariste, en dehors de ses compétences obligatoires, les agricultrices et les agriculteurs du territoire à travers sa stratégie Gironde Alimen’terre, il ne peut pas pallier totalement le manque d’engagement de l’État.

La France dispose, avec la Politique Agricole Commune, d’un important levier de 9 milliards d’euros qu’elle perçoit tous les ans. Tancée par la Commission Européenne en avril dernier pour le manque d’ambition écologique de son Plan Stratégique National, elle se doit de le retravailler et d’être à la hauteur de la crise climatique que nous commençons déjà à subir.

Ainsi, le Département de la Gironde demande à l’État, dans le cadre de la correction du Plan Stratégique National de la PAC de :

  • Redonner du pouvoir aux agricultrices et aux agriculteurs :
    • en défendant une diminution des aides directes de la PAC aux agricultrices et agriculteurs indexée sur la surface et une augmentation des aides indirectes pour services écosystémiques rendus, tout en veillant qu’ils soient à la fois environnementaux et sociaux
    • en leur garantissant un revenu décent en augmentant la part de budget à allouer à l’installation de jeunes agricultrices et agriculteurs dans son PSN
  • Restaurer l’aide au maintien de l’agriculture biologique dans le Plan Stratégique National de la France
  • Attribuer les aides les plus élevées à l’agriculture bio et à la conversion à l’agriculture bio dans le cadre de l’éco-régime de la PAC

Le Département demande également à l’État de :

  • Intégrer une hiérarchie claire et détaillée de l’usage de la ressource en eau dans la législation européenne et donc nationale (consommation d’eau potable, préservation des milieux, usages économiques)
  • Encourager la modification de notre modèle d’alimentation, pour aller vers une alimentation plus végétale et privilégier les viandes locales, issues d’un élevage respectueux du bien-être animal. 
  • Encourager les alternatives aux cultures consommatrices en eau dans une stratégie d’adaptation et d’anticipation
  • Favoriser la recherche de solutions innovantes, équitables et respectueuses du vivant pour préserver la ressource en eau
  • Créer un fonds mutuel et solidaire qui prenne en compte les risques de toutes les agricultrices et de tous les agriculteurs, même celles et ceux sans offre assurantielle, même celles et ceux qui n’ont pas les moyens de s’assurer.
  • Encourager la recherche pour aider les agricultrices et agriculteurs à se doter de méthodes de prévention contre la grêle sans impact environnemental.

Les impacts de la surconsommation de nos ressources et la fréquence des phénomènes liés au changement climatique, nous imposent de repenser en profondeur nos modèles agricoles, énergétiques et industriels.