Depuis le printemps 2016, le Conseil départemental de la Gironde, sous l’impulsion de son Président Jean-Luc Gleyze, s’est lancé dans le projet d’une expérimentation du revenu de base sur le territoire girondin.
Dans le cadre de la mise en place de cette expérimentation, une séance plénière extraordinaire a été organisée par l’Assemblée départementale le 13 mars 2017, ayant pour objet d’ouvrir le débat entre majorité et opposition, avec le vote d’une motion visant à solliciter le gouvernement et le parlement pour l’adoption d’une loi autorisant l’expérimentation départementale du revenu de base.
Cette démarche, inédite en France, s’effectue en partenariat avec la Fondation Jean Jaurés, le CEPREMAP et l’IPP. Plusieurs groupes de travail composés des services du Département, des acteurs de l’économie sociale et solidaire, d’entrepreneurs, d’associations de solidarité, de travailleurs sociaux et de jeunes en service civique se sont réunis de décembre 2016 à février 2017 pour réfléchir à la mise en oeuvre d’un revenu de base.
Stéphane Saubusse, Conseiller départemental EELV, a participé aux comités de pilotage mis en place par le Département qui ont abouti aux travaux présentés lors de la plénière du 13 mars 2017.
La séance plénière a débuté sur une présentation de la démarché par Jean-Luc Gleyze puis par Denise Grélard-Nedelec, Vice-Présidente en charge des Politiques de l’insertion.
Puis, 5 intervenants de la majorité sont venus présenter 5 objectifs et contours essentiels de la mise en place d’une expérimentation du revenu de bas :
* Le niveau du minimum décent
* La lutte contre la pauvreté
* La réaffirmation du travail social
* Le rapport au travail et à la pluriactivité
* La sécurisation des parcours
* Le financement : réforme fiscale et justice sociale
Stéphane Saubusse est intervenu en sa qualité de membre du comité de pilotage pour présenter le volet « niveau du minimum décent » :
« Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Pour le novice, le Revenu de Base permet de fournir à tous, sans condition, d’un revenu décent. Le montant envisagé en Gironde, ferait dépasser le seuil de pauvreté à de nombreux girondins.
Depuis une quinzaine d’années, le nombre de pauvres a augmenté d’un million en France alors que le recul de la pauvreté était continu depuis les années 70. Il est donc urgent d’agir, d’innover, pour inverser cette tendance.
Pour tous ceux qui sont actuellement soumis aux minimas sociaux (RSA, minimum retraite), pour beaucoup d’apprentis ou pour les étudiants boursiers, le Revenu de Base tel que nous allons l’expérimenter représente une indéniable augmentation de revenus.
Néanmoins, sans arrêter un chiffre, il est nécessaire d’augmenter le montant des prestations pour atteindre un minimum décent. Un approfondissement des travaux déjà réalisés est à mener avec les bénéficiaires du RSA et les travailleurs sociaux.
Le jury citoyen a évoqué la somme de 1000 euros répartie entre 800 euros de l’État et 200 euros de monnaie complémentaire du Département.
Au-delà de ces considérations quantitatives, le revenu de base est surtout décent parce qu’il est inconditionnel et a pour objectif prioritaire la simplification du système socio-fiscal actuel.
En effet, de nombreuses personnes éligibles aux prestation existantes ne sollicitent pas les aides auxquelles elles ont droit en raison de la complexité des démarches administratives et des craintes de stigmatisation. L’automaticité des versements, en elle-même, relève de la décence.
Enfin, notre objectif n’est pas de faire du Revenu de Base un solde de tout compte. Il n’est pas la solution à tous nos problèmes. Il ne peut, en particulier, se substituer à la Sécurité Sociale, dont il est complémentaire, pas plus qu’aux services publics qui sont le patrimoine de tous et le fondement de notre organisation sociale. »
Si le représentant du FN a quitté la salle dès le début de la séance, les membres de l’opposition ont débattu sur le fond et la forme de l’expérimentation avec la majorité pendant plus de trois heures. A la fin de la séance, l’opposition a finalement refusé de voter POUR la motion portée par la majorité, qui a été adoptée à la majorité de 44 voix.
Voici le texte de cette motion :
« Pour une expérimentation du revenu de base en Gironde »
La décentralisation a consacré la collectivité départementale comme chef de file des politiques sociales. En 2012, la conférence gouvernementale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a mis en évidence la nécessité de reconnaître le droit à l’initiative sociale locale et de développer la participation citoyenne (démarche AGILLE).
C’est en ce sens que le Département de la Gironde s’est saisi en mai 2016 de la proposition du revenu de base, débutant dès septembre 2016 un partenariat avec la Fondation Jean Jaurès, le CEPREMAP et l’IPP pour étudier les conditions de sa mise en œuvre.
Cette démarche innovante, associant le Département, un think tank et des laboratoires de recherche, a été saluée le 27 octobre dernier par le Premier ministre Manuel Valls, venu en Gironde proposer un accompagnement en ingénierie de l’Etat en vue du lancement d’une expérimentation.
Le jury citoyen, constitué par le Département, a conclu dans un avis le 15 février à la nécessité d’expérimenter le revenu de base.
Cette expérimentation aura pour objet d’évaluer si le revenu de base serait de nature à apporter des réponses à deux enjeux de société :
1. La lutte contre la pauvreté et la sécurisation des parcours : la protection sociale adossée au travail et complétée par des dispositifs de solidarité nationale ne couvre qu’imparfaitement les besoins, comme en témoignent le taux de pauvreté maintenu à un niveau de 14% et les taux de non recours aux allocations sociales (30% par exemple pour le RSA).
2. Le choix du projet de vie : les mutations démographiques, l’accroissement du temps libre et l’essor de l’individualisation créent de nouveaux besoins sociaux, comme le soin accordé à ses proches (enfants, personnes âgées ou en situation de handicap), les activités d’utilité sociale (bénévolat, citoyenneté), la création d’activités, etc.
L’étude en laboratoire ne suffit cependant pas à anticiper les effets systémiques et comportementaux de l’instauration d’un revenu de base. Dans le sillage des préconisations du rapport sénatorial de Daniel Percheron sur l’intérêt et les formes possibles de la mise en place d’un revenu de base en France d’octobre 2016, il convient de mener une expérimentation sur des territoires volontaires.
L’Assemblée départementale de la Gironde, réunie en séance plénière, décide en conséquence de solliciter le gouvernement et le parlement pour l’adoption d’une loi autorisant l’expérimentation départementale du revenu de base.
Stéphane Saubusse est également intervenu dans ce débat pour rappeler la position du groupe EELV sr la question du revenu de base :
« Mes chers collègues, Monsieur le Président,
C’est avec beaucoup d’intérêt et d’optimisme que le groupe écologiste a participé à cette séance plénière consacrée à l’expérimentation du revenu de base en Gironde. Je suis d’accord avec mon collègue Philipp Dorthe : il s’agit effectivement d’une séance historique.
En effet, comme sur de nombreux sujets ayant trait à l’évolution de la société vers plus d’égalité, les écologistes ont souvent été précurseurs sur la question du revenu de base universel et inconditionnel. En 2007 chez les Verts, cette proposition était déjà au programme de la présidentielle, tout comme à celui des élections européennes de 2009. En 2013, 70% des militants d’EELV se sont déclarés favorables au revenu de base.
Aujourd’hui, nous sommes enthousiastes à l’idée que le conseil départemental se lance dans l’expérimentation et soit le premier à le faire en France. La démarche envisagée et les premiers travaux du comité de pilotage nous ont assuré de la grande rigueur de l’expérimentation à venir. La démarche de recours à jury citoyen ainsi que les 28 000 connexions effectuées sur le simulateur girondin sont un marqueur d’enthousiasme de la part des citoyens.
Pour résumer les débats, comme tous les intervenants précédents, nous sommes persuadés que la conversion écologique des activités économiques apportera un surcroît d’emplois en France. Mais cela ne suffira peut-être pas. Depuis des décennies, la productivité du travail augmente de manière continue, c’est pourquoi mathématiquement le travail aura tendance à se raréfier. Il va falloir le partager un peu plus.
Le revenu de base peut-être un excellent outil de ce nouveau partage entre activité professionnelle, vie personnelle et vie sociale. Nous sommes intimement convaincus que le revenu de base, lorsqu’il poursuit l’objectif de l’épanouissement personnel et professionnel, dans la perspective du mieux vivre ensemble, ne peut qu’être bénéfique à l’ensemble de la société.
Nous appelons de nos vœux aujourd’hui des débats courageux, ambitieux et pourquoi pas un brin utopistes afin que la Gironde franchisse l’étape supérieure qui fera d’elle l’un des territoires pionnier de ce beau projet qu’est le revenu de base. Cette plénière ne peut être que le début d’une réflexion commune à laquelle je l’espère nous adhérerons unanimement dans les années à venir. »