Motion « On a eu beaucoup de mauvaises raisons de s’endetter, mais le climat n’en fait pas partie. »

C’est par cette citation de l’économiste Jean Pisani-Ferry que nous pourrions résumer un des axes du rapport intitulé “Les incidences économiques de l’action pour le climat” qu’il a rédigé à la demande de la Première Ministre en collaboration avec l’inspectrice générale des finances, Selma Mahfouz.

Les rapports s’enchaînent pour nous alerter sur le fait qu’il faut investir largement dans la transition écologique pour réduire nos émissions de CO2 et préserver le vivant et ainsi nous permettre de maintenir la planète habitable.
Comme les résultats de l’étude menée par l’Institut Rousseau en 2022 qui démontrait la nécessité d’investir 2% du PIB dans la transition écologique, ce nouveau rapport estime qu’il faut investir 66 milliards d’euros supplémentaires chaque année pour atteindre la réduction des émissions de GES de 55% d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2050, dont 25 à 34* milliards de dépenses publiques.

Les efforts doivent porter prioritairement sur la rénovation énergétique des bâtiments, le développement des énergies renouvelables, la transition vers l’agroécologie, les alternatives aux véhicules thermiques que constituent le train, les transports en commun, le vélo, et l’accompagnement à la conversion des véhicules thermiques.

Il faut ici rappeler, qu’en France, nous faisons face à ce que l’économiste Lucas Chancel appelle le “triple défi inégalitaire”, à savoir :

Inégalités de pollution : en moyenne, les 10 % les plus aisés ont un niveau d’émissions de gaz à effet de serre deux à huit fois plus élevé que la moitié de la population la plus pauvre, selon que l’on prenne en compte les émissions liées à la consommation ou celles liées au patrimoine.
Inégalités face aux impacts du changement climatique : les vagues de chaleur touchent de manière disproportionnée les classes populaires, souvent plus exposées et plus vulnérables à celles-ci.
Inégalité des capacités d’action : les 10 % les plus riches possèdent 60 % du patrimoine total en France et disposent donc de ressources considérables pour faire face aux dérèglements en cours, moyens que les plus modestes n’ont pas.

Pour financer la transition, au-delà du redéploiement nécessaire des dépenses, notamment des dépenses budgétaires ou fiscales brunes, et en complément de l’endettement, un accroissement des prélèvements obligatoires sera probablement nécessaire. […] Le coût économique de la transition ne sera politiquement et socialement accepté que s’il est équitablement réparti.

Rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz.


L’urgence climatique et sociale exige donc de réorienter les financements publics vers tout ce qui rend notre société plus durable et résiliente, et notamment de mettre fin au dysfonctionnement fiscal en faveur des ménages les plus aisés. L’égalité et la fraternité de notre devise républicaine nécessitent de réduire les injustices et de mieux distribuer la richesse produite dans notre pays, notamment en stoppant la stratégie du Gouvernement de course à la baisse des impôts des ménages et des entreprises au détriment des recettes de l’État et des collectivités.

Il est urgent de nous donner les moyens de répondre à l’urgence climatique et sociale en mettant en place des fiscalités sociales écologiques progressives orientées vers la transition, où le produit des taxes qui visent à réduire les émissions de luxe finance la réduction des émissions essentielles.

Les Départements sont en capacité d’agir plus, au profit de la justice climatique et sociale, mais ils ne peuvent pas rester dans une situation de dépendance à des recettes indirectes liées à la conjoncture économique et immobilière.


Ainsi, le Département de la Gironde demande à l’Etat de :
● D’établir un ISF climatique qui inciterait les 10% des ménages les plus fortunés de notre pays et les plus émetteurs à se désinvestir des activités les plus polluantes en décarbonant leur patrimoine,
● Ne plus prendre le PIB comme unique boussole alors qu’il fait abstraction du bien-être, de la santé, et plus largement, du vivant,
● Travailler à une loi de programmation pluriannuelle de financement de la transition écologique.

Afin de sortir de la crise écologique, sociale et démocratique dans laquelle nous sommes enlisés, nous devons opérer des changements systémiques et cela commence par le changement de notre modèle fiscal. Plus nous tardons à changer de modèle, plus les chocs seront brutaux car insuffisamment anticipés.

La motion a été adoptée.

* Selon que l’on raisonne à part du financement public constante ou que l’on considère une adaptation des dispositifs de soutien en vue d’assurer le meilleur usage des fonds publics des deux points de vue de l’efficacité et de l’équité.