Privilégier le fret ferroviaire et les mobilités alternatives plutôt qu’augmenter les capacités routières

Motion présentée en séance du conseil départemental le 3 avril 2023.

La loi climat et résilience ambitionne de diviser par six au moins d’ici à 2050 les émissions de gaz à effet de serre. Le secteur des transports constitue la première source d’émissions, 30%, presque en totalité à cause des transports routiers. La majorité des gaz à effet de serre des transports proviennent des voitures particulières.


ll est nécessaire de reporter massivement le transport des marchandises des camions vers le fret ferroviaire ainsi que de multiplier les transports collectifs du quotidien car de l’avis des experts, la conversion vers l’électrique d’une partie du parc automobile ne suffira pas. Cette urgence est accentuée par la hausse inéluctable du coût de l’énergie (fossile ou électrique) dont dépendent les ménages les plus modestes sans solution de transport en commun pour leurs déplacements quotidiens.

Tout nouvel élargissement de route, toute nouvelle création de route joue le rôle d’aspirateur à voitures et conduit à une augmentation du trafic et à une artificialisation des sols, directement et indirectement.

Laure Curvale, Vice-présidente en charge de la transition écologique et du patrimoine


D’autre part, selon l’ADEME, 80% de la pollution liée aux transports (oxydes d’azote, particules et composés organiques volatils) provient du seul transport routier. Notre département connaît régulièrement des épisodes de pollution aux particules fines qui vont s’amplifier avec le dérèglement climatique (multiplication des incendies, brumes de sables du Sahara…). En Gironde, depuis le début de l’année, il y a eu pas moins de 5 épisodes de dépassement persistant du seuil d’information et de recommandations pour les PM10. Ces polluants, qui pénètrent les bronches et les yeux, augmentent le risque de maladies cardiovasculaires et pulmonaires, de dépression et d’anxiété.


Du 30 janvier au 30 avril 2023, l’État organise la concertation préalable du public sur la poursuite de l’aménagement de l’A63 en Gironde. Ce projet concerne une section de 35 km de l’A63 en Gironde, entre la rocade bordelaise et la section concédée à Atlandes, ainsi que l’A660 entre Mios (nœud 22 de l’A63) et La Teste-de-Buch. Il s’agit d’une section à 2×2 voies, alors que l’A63 a une configuration à 2×3 voies dans les départements des Landes et des Pyrénées-Atlantiques.

Sur cette section à 2×2 voies, le trafic est compris entre 34 000 et 80 000 véhicules par jour en approche de la rocade. Le trafic poids lourds en transit est de 10 000 par jour. Les difficultés de trafic sont surtout concentrées sur les week-ends et la période estivale.


Les trois scénarios suivants sont soumis à la concertation :
● L’absence d’aménagement de l’axe ;
● L’aménagement complet, sur 35 km de l’A63 par mise en concession ;
● La mise à 2×3 voies partielle financée sur crédits publics, sur 7 km entre le sud de l’échangeur 25 et la rocade.


La mise en concession des autoroutes est en soi problématique dans la mesure où le prix des péages ne cessent d’augmenter quand, en parallèle, les rentes des concessionnaires augmentent aussi fortement au fur et à mesure de l’exploitation.


En outre, de manière volontariste, notre Département a déjà montré qu’il faisait le choix des mobilités du quotidien. Avec les 170 millions d’euros dédiés au RER Girondin, l’engagement de créer 1000 km d’aménagements cyclables supplémentaires d’ici 2028 ou encore la multiplication des aires et des voies de covoiturage, il démontre qu’il participe à la résilience de son territoire et à une meilleure justice sociale. Ne pas développer d’alternatives à la voiture individuelle, notamment inclusives et collectives, reviendrait à empêcher les personnes les plus modestes de se déplacer, d’autant plus en période d’inflation et de hausse du coût de l’énergie.


En cohérence avec ses politiques, le Département refuse de cautionner l’élargissement de l’A63 au Sud de Bordeaux et de l’A660 en direction du Sud du Bassin d’Arcachon, avec ou sans péage. Il s’agit d’une solution déjà anachronique alors qu’elle s’inscrit dans un horizon très lointain. Le développement de routes au bénéfice de la voiture individuelle n’est pas une solution compatible avec les politiques de résilience qui s’imposent à nous dans un contexte d’urgence climatique et sociale. Tout nouvel axe routier augmente le trafic au lieu de le
diminuer et contribue à l’étalement urbain et à l’artificialisation.


La priorité doit être donnée aux mobilités alternatives à la voiture en solo, aux transports en commun, à l’intermodalité ainsi qu’au développement du fret pour déporter le transport de marchandises des routes vers le rail. C’est s’engager pour des mobilités qui ne creusent pas les fractures mais qui relient les femmes, les hommes et les territoires.


Le Conseil Départemental demande donc à l’État de :
● Mettre en place un péage pour les poids lourds qui serait modulé en fonction des horaires pour produire des recettes à flécher dans les investissements nécessaires aux alternatives à la voiture individuelle : RER Girondin et autres transports en commun, covoiturage, pistes cyclables, pôles multimodaux.
● Renforcer enfin les moyens pour le développement du fret ferroviaire.